
« Avez-vous remarqué le mendiant ? » de Timothée Paton
Chapitre du livre « Quittez la plage »
Message donné le 16 octobre 2009 à l’université de Southampton, Angleterre
Actes 3.1-11
Nous sommes à Jérusalem, vers 3 heures de l’après-midi. Les apôtres Pierre et Jean se rendent à la réunion de prière.
En arrivant à l’une des portes du temple, surnommée la Belle (que mon épouse et moi-même avons visitée en 2021), les deux apôtres aperçoivent un paralytique. Il est facile de deviner l’existence misérable de ce pauvre handicapé ! Depuis combien d’années se retrouve-t-il ainsi, seul, assis, à faire l’aumône ? Dix ans ? Vingt ans ?
À la porte du Royaume de Dieu se trouvent aussi des mendiants. Tout près du Ciel se presse tout un monde de malades, de perdus, d’oubliés qui mendient. Un monde qui aspire à la paix, à l’espérance et à une vie nouvelle.
De nombreux fidèles, ce jour-là, ont dû passer devant ce paralytique en train de quémander. Ils l’ont tellement vu, année après année, qu’ils ne le remarquent plus. Ce mendiant fait partie du décor.
Il ressemble à ce tableau accroché au mur d’un salon. Il est sous nos yeux tous les jours, on passe devant plusieurs fois dans la journée… mais si on nous demandait de décrire en détail le portrait ou le paysage qu’il représente, on aurait peut-être du mal à le faire. De même, à force de voir défiler des images de détresse sur nos écrans, on n’y fait plus trop attention !
De Bogota à Kampala et à travers le monde, on recense 200 millions d’enfants vivant dans la rue, livrés à eux-mêmes. Et on finit par ne plus les voir.
Des multitudes d’hommes, de femmes et d’enfants s’entassent dans des camps de réfugiés, des prisons surpeuplées, des hôpitaux de fortune… Et on ne les voit plus.
Un milliard et demi de musulmans attendent à la porte du temple… Et on ne les voit plus.
De nos jours, pour beaucoup de chrétiens, peu importe que 23 % de la population mondiale ne connaissent rien de l’Évangile, du moment qu’ils ont leur place à l’intérieur du temple. Certains croyants sont tellement préoccupés par le bon fonctionnement et le confort de leur église, qu’ils oublient ceux qui n’en ont encore jamais franchi la porte.
Pierre fixe alors le mendiant et lui dit : « Je n’ai ni argent ni or, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus de Nazareth, lève-toi et marche. »
Le Jésus que connaissait Pierre est aussi en vous. Il est le même. Sa puissance peut vous permettre de faire ce que tout l’argent du monde ne pourra jamais accomplir. Seul Christ peut pleinement sauver et restaurer.
Les deux apôtres n’ont pas seulement vu le paralytique, ils se sont impliqués dans sa situation :
« Puis, Pierre le prit par la main droite et le fit lever. »
Il ne suffit pas de savoir qu’il y a un mendiant. Il ne suffit pas de connaître les faits. Prier pour ceux qui n’ont pas encore rejoint la famille de Dieu est une bonne attitude, mais elle ne suffit pas. Nous devons aussi prendre le mendiant handicapé par la main et l’aider à se lever.
N’attendez pas que quelqu’un d’autre vienne s’occuper du mendiant. Il a peut-être déjà passé une bonne partie de sa vie à l’entrée du temple. Il faut maintenant qu’il en franchisse la porte.
Il y a quelques années, j’ai lu un livre écrit par un missionnaire américain en poste en Inde. Un film sur la vie de Jésus avec des acteurs indiens lui a permis de faire connaître l’Évangile à un grand nombre de personnes à travers ce vaste pays. Dans son livre, il relate une anecdote survenue alors qu’il se trouvait aux États-Unis avec sa famille pour visiter les Églises et parler de l’œuvre de Dieu en Inde.
Ce serviteur de Dieu prêchait un soir dans une Assemblée de quelque 200 membres. Son fils John, alors âgé de 5 ans, se trouvait dans l’auditoire, assis au huitième rang. En général, lors des réunions, le petit John passait son temps à faire des coloriages ; mais ce soir-là, il écoutait attentivement tout ce que racontait son père.
Tout à coup, au milieu du message, le garçon se leva et se mit à courir en direction de l’estrade. Il tomba à genoux, tout tremblant. Il leva ses yeux pleins de larmes et s’écria :
— Papa, nous devons faire quelque chose ! Nous devons aider tous ces gens en Inde !
Bien que ce jeune garçon connaissait déjà l’Inde, Dieu avait touché son cœur pour ce pays. C’était comme si le petit John parvenait à voir « le mendiant » qui demandait du secours à des milliers de kilomètres de là, assis à la porte du temple.
La Bible continue : « D’un saut le paralytique fut debout et se mit à marcher. Il entra avec Pierre et Jean dans le temple. » Ce ne sont pas deux hommes qui, ce jour-là, pénétrèrent dans le temple, mais trois !
Nous ne voulons pas entrer seuls dans l’éternité. Nous voulons voir les mendiants franchir avec nous les portes du ciel ! Le Royaume de Dieu est ouvert à tous : « Dieu ne veut pas qu’un seul périsse, mais que tous parviennent à se convertir » (2 Pierre 3.9).
Pendant des années, à Phnom Penh, avec une équipe formidable de bénévoles, nous avons essayé d’aider des enfants à cesser de travailler dans la rue et à retrouver le chemin de l’école. Mais notre plus grande satisfaction fut de voir ces garçons et ces filles franchir les portes du temple et rencontrer Dieu. Au sein du ministère Bong Paoun (rebaptisé Flame), aujourd’hui encore de nombreux enfants des bidonvilles de la capitale cambodgienne continuent de se lever pour entrer dans la maison de Dieu.
Quand le mendiant du récit biblique arrive en dansant au milieu des fidèles en prière, tout le monde réalise qu’il est cet infirme qu’ils avaient vu tant de fois !
Et si, après l’avoir vu si souvent, nous nous décidions finalement à lui tendre la main ? Et si, après avoir entendu tant de fois l’appel pour atteindre les perdus, nous nous décidions à leur faire connaître celui qui a changé notre vie ?
Car ce mendiant, vous l’avez déjà rencontré : il erre dans le métro, au lycée, dans les HLM de nos banlieues, en maison d’arrêt comme en maison de retraite. Il se trouve en Algérie, en Arménie, en Inde. Il est ici, là, partout !
Parmi ceux qui investissent leur temps, leur argent et leur vie à la porte du temple se trouve l’équipe de l’ONG Digger. Depuis l’année 1999, cette organisation, dirigée par des chrétiens, fabrique des engins de déminage.
Grâce à d’énormes machines, plusieurs millions de mètres carrés ont été débarrassés des mines anti personnelles dans treize pays.
C’est à Tavannes, dans les montagnes de la Suisse romande, que se trouvent les bureaux de la mission Digger. Je m’y suis rendu un matin de janvier 2015 pour interviewer Steve, un membre de l’équipe.
Steve, un jeune qui n’a vraiment pas froid aux yeux, s’est engagé sur plusieurs terrains minés dans le monde, notamment en Bosnie et au Sénégal. Au Sénégal, justement, les machines ont permis de multiplier par six l’efficacité du déminage et de diminuer par dix le coût au mètre carré. Avec une telle efficacité, la planète entière pourrait être débarrassée de ces engins à retardement.
Au Cambodge, j’ai pu constater le mal causé par les mines. Il reste entre quatre et six millions de ces bombes sous terre datant de l’époque des Khmers Rouges.
Nous ne sommes pas tous appelés à aller sur des terrains minés, mais nous sommes tous appelés à nous rendre à la porte du temple pour relever, au nom de Jésus, ceux que le monde a oubliés.
Pierre et Jean me font penser à ces deux missionnaires chinois qui se sont rendus il y a très longtemps dans le village de Shang Pu pour apporter l’Évangile.
C’est mon épouse, Yukki qui saura au mieux vous raconter comment son arrière-grand-mère a découvert le Salut. Je lui laisse la parole :
Mon arrière-grand-mère est née en Chine en 1902 dans la province de Guangdong. Elle ne connaissait pas Dieu. Sa vie était fortement marquée par la tristesse. Après avoir donné naissance à une fille (qui deviendra ma grand-mère), madame Lee a eu le malheur d’accoucher d’enfants mort-nés. Elle aurait aimé avoir des garçons, comme c’est souvent le souhait des parents dans la culture chinoise.
Mon arrière-grand-mère s’est alors tournée vers des pratiques bouddhistes et même des incantations afin d’obtenir des garçons, mais sans succès.
Un jour, un couple de missionnaires chinois est arrivé dans le village.
Quand l’épouse du missionnaire a rencontré mon arrière-grand-mère, elle a vite constaté la tristesse sur son visage. Cette missionnaire a alors invité mon arrière-grand-mère à découvrir la Bible dans une réunion de maison. Elle accepte.
C’est avec sa fille Lin, alors âgée de 12 ans, qu’elle se rend à ces rencontres. Chaque fois, elle rappelle à sa fille : « Il ne faut surtout pas que papa sache que nous allons voir des chrétiens. Ne lui dis rien. » Madame Lee et sa fille assistent régulièrement à ces réunions où les missionnaires partagent l’Évangile.
Leurs cœurs s’ouvrent petit à petit à l’amour et à la grâce de Dieu. Elles se donnent toutes les deux à Jésus.
Quelques années après sa conversation, madame Lee a la joie de donner naissance à un garçon et à une fille. Mon arrière-grand-père qui était très opposé à Dieu s’est lui aussi tourné vers le Seigneur.
La jeune Lin a grandi et rencontre un jour un jeune homme avec qui elle se marie. Ils décident de quitter la misère en Chine pour s’installer au Cambodge où la vie sous protectorat français était plus agréable. C’était l’Eldorado de l’Asie.
Lin, celle qui allait devenir ma grand-mère, s’est mise à prier pour ceux de sa descendance afin qu’un jour ils découvrent eux aussi le Sauveur.
Et c’est dans la capitale cambodgienne que ma maman est née. Elle a grandi en allant avec ses parents et ses frères et sœurs à l’Église Protestante Chinoise de Phnom Penh. C’est là qu’elle a rencontré celui qui deviendrait son mari. Ils ont fréquenté ensemble l’école du dimanche et le groupe de jeunes de cette Église.
Dieu merci, mes parents ont échappé à la machine de guerre des Khmers Rouges. De 1975 à 1979, le Cambodge a connu l’un des pires génocides de l’Histoire. Dix membres de la famille de mon papa ont disparu sous la dictature de Pol Pot. Ma maman qui ne savait pas si un jour elle reverrait son pays s’est engagée à prier pour le peuple cambodgien.
C’est en septembre 1978 que mes parents, ma petite sœur et moi sommes arrivés en France.
Peu de temps après notre arrivée à Paris, nous avons ouvert une Église de maison dans notre appartement à Belleville. Nous étions jusqu’à vingt-six Chinois, tous rescapés du génocide cambodgien, à nous retrouver chaque semaine autour de la Parole de Dieu.Nous étions très serrés dans cet appartement. Nous avons finalement réussi à louer l’église réformée de la Gare de l’Est où mon papa apportait régulièrement l’enseignement biblique.
J’étais une petite fille sage. Toutes les semaines j’allais à l’école du dimanche. Je connaissais bien les histoires de la Bible. Je priais, je chantais et je donnais ma dîme. Je pensais que j’étais chrétienne. Et pourtant, je n’avais pas encore donné mon cœur à Jésus.
Vers l’âge de 15 ans, je me suis retrouvée dans un théâtre à Paris où se tenait une grande soirée d’évangélisation avec plusieurs artistes chrétiens venus de Hong Kong. À la fin du concert, lors de l’appel, je me suis levée et j’ai donné publiquement ma vie à Dieu.
Puis le Seigneur a ouvert les portes pour que je le serve au sein de mon Église. Pendant une vingtaine d’années, je me suis investie auprès des enfants, du groupe de jeunes, à la chorale et à la présidence du culte.
J’étais beaucoup dans « le faire » à tel point que ma relation avec Jésus devenait au fil du temps quasiment inexistante. Ma vie se résumait à mon travail la semaine et le week-end à servir dans mon Église. Mon emploi du temps était tellement rempli, que je ne prenais plus soin de ma relation avec Dieu.
Durant cette période de ma vie, j’admirais beaucoup ceux qui se consacraient à servir en mission. De nombreux missionnaires et pasteurs sont passés à la maison. Je pensais qu’ils étaient parfaits, sans faille, qu’ils connaissaient parfaitement la Bible et qu’ils aimaient tout le monde. Avec ce constat, je me disais que jamais je ne serais à la hauteur pour devenir un jour missionnaire.
En 2003, j’ai commencé à travailler dans le monde de la gastronomie et de l’événementiel, au sein de l’entreprise familiale que j’envisageai de reprendre un jour. J’avais une très bonne situation professionnelle. Je vivais, aux yeux du monde, la belle vie. Je voyageais beaucoup.
Fin 2013, après 10 ans de vie prospère j’ai vécu une période particulière. En conduisant pour me rendre à mon bureau, je me mettais à pleurer plusieurs jours d’affilée. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. J’ai fini par en parler aux jeunes de l’Église dont j’étais responsable. Ils ont prié pour moi.Dieu secouait ma petite vie tranquille et me préparait pour une tout autre vie.
J’ai décidé d’aller voir ma tante (la patronne de l’entreprise) pour lui demander une année sabbatique. Au moment où j’avais l’intention de lui dire : « Je voudrais prendre une année sabbatique », à ma surprise je lui ai dit : « Je démissionne ! » En prononçant ces deux mots, un gros fardeau est tombé et je me suis sentie libre. J’étais libérée comme un oiseau qui sort de sa cage.
Mon cœur était en paix alors que l’avenir était désormais incertain. Je n’aurai plus de salaire et pourtant j’étais heureuse. J’entrais dans une nouvelle saison que le Seigneur avait préparée. Quand vous obéissez à Dieu, même si vous ne comprenez pas tout, vous n’aurez rien à craindre. Il sait ce qu’il fait. Il suffit de le suivre.
Je prenais conscience aussi que j’avais perdu mon premier amour pour Jésus, cet amour qui est né alors que j’étais adolescente. J’avais besoin de retrouver ma relation avec le Père et de redécouvrir mon identité d’enfant de Dieu.
Le Saint-Esprit m’a alors dirigée vers Jeunesse en Mission, une organisation missionnaire.
C’est en janvier 2015, que je me suis envolée pour le Pacifique, à Hawaï pour suivre sur six mois une École de Disciples. C’est au cours de cette formation que le Seigneur a parlé à mon cœur. Il m’a montré comment mes années d’expérience professionnelle pourraient servir à mettre en place des cafés chrétiens. Des lieux où les gens se sentiraient à l’aise, pour se confier et découvrir l’Évangile. Après ce temps béni de formation, j’ai compris que ce n’était que le début de cette nouvelle saison.
À ma grande surprise, c’est vers le Cambodge que Dieu m’a dirigée. Le pays où étaient nés mes parents, mais que je ne connaissais pas. C’est ce peuple meurtri pour lequel ma maman a beaucoup prié que je partais servir. Pendant des années elle n’avait cessé de prier pour que les Cambodgiens se tournent vers Jésus. Elle n’aurait jamais imaginé que ce serait sa fille qui retournerait un jour dans le pays de son enfance…
Je n’étais pas très rassurée d’aller vivre dans un pays pauvre si différent de la vie que j’avais menée jusqu’à maintenant. Alors que l’avion s’apprêtait à atterrir sur le sol cambodgien, j’apercevais par le hublot les couleurs vives des maisons, des paysages : du bleu, du rouge, du vert… et le marron de la terre. J’étais en paix et je savais que c’était bien dans ce pays de l’Asie du Sud-Est que Dieu me voulait.
J’avais annoncé à ma famille et mes amis que je ne serai au Cambodge que pour trois mois. Dieu m’a donné un tel amour pour ce peuple que j’y suis restée cinq ans. J’ai vécu à Battambang, la deuxième ville du pays, avec des dizaines d’autres missionnaires de Jeunesse en Mission.
De 2016 à 2021, avec une petite équipe, nous avons ouvert deux cafés au nord-ouest du pays : à Battambang et à Pailin, connus comme d’anciens fiefs de soldats Khmers Rouges. C’est grâce à deux containers de transport de marchandises transformés que ces deux cafés ont vu le jour.
Au fil des années, de nombreux jeunes cambodgiens ont franchi la porte de ces lieux de vie et plusieurs ont rencontré Jésus. Comme cette jeune fille de 19 ans qui venait tous les jours au café de Battambang pour passer du bon temps avec nous. Parfois, elle venait simplement pour parler sans même consommer. Elle nous ouvrait son cœur. Petit à petit, elle a découvert l’amour de Dieu.
Il m’est arrivé au cours de ces cinq années de me sentir découragée et de vouloir retourner à la vie active en France pour bien gagner ma vie, mais j’ai persévéré parce que j’étais au bon endroit. Si vous êtes là où Dieu vous veut, même si vous n’avez pas la garantie d’un salaire, faites-lui confiance. Il pourvoira à vos besoins. Je ne regrette pas un instant d’avoir répondu à l’appel pour la mission.
En mars 2021, après avoir formé des frères et sœurs cambodgiens à prendre le relais, j’ai refait mes valises et j’ai dit « Au Revoir ! » au Cambodge.
Quelques mois plus tard, Timothée et moi nous nous sommes dit « oui » pour la vie. Le jour du mariage, dans le jardin de mes parents, se trouvait une dame âgée de 96 ans… ma grand-mère. C’est elle, qui petite, en Chine accompagnait sa maman en secret pour écouter dans une maison la Parole de Dieu.
Si ces missionnaires chinois n’étaient pas venus dans les années 30 partager la Bonne Nouvelle, comme le firent Pierre et Jean à la Belle Porte, je ne serais pas là aujourd’hui à vous raconter mon histoire. Le travail missionnaire « à la porte du temple » n’est jamais accompli en vain. Ce que vous entreprenez en son Nom portera un jour ou l’autre du fruit.

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